L’inconscient collectif d’un pays ou l’inconscient partagé par les habitants d’un pays illustré par le terrorisme récent
Le ressenti et la réaction sociale face aux attentats récents de janvier 2015 sont emblématiques d’un type d’inconscient collectif.
La réaction des média est basée sur l’effet d’annonce et la recherche d’une audience maximale. Elle se base sur la prolongation d’une émotion qui doit être instantanée et sur une peur qui devient rémanente.
En fait il ne s’agit pas du déclenchement d’une peur mais de la résurgence d’une peur inconsciente de l’individu au sein d’une société. Il vit en effet dans un cocon social où il est hébergé, nourri, payé au sein d’une société où il perd tout dynamisme, toute responsabilité, et toute initiative.
L’individu le ressent profondément mais ne peut l’extérioriser et en ressent un peur inconsciente qui reste tapie.
Cette peur ressurgit lorsque justement la société s’avère incapable d’y remédier par exemple dans des attentats terroristes. Une peur peut trouver sa justification, certes, mais là, elle est fortement exagérée vu le faible nombre de victimes, une vingtaine, alors que par exemple, le vol d’Air Asia a entraîné 370 victimes.
Pourquoi la population est-elle traumatisée par l’assassinat d’une quinzaine de personnes par des terroristes ?
D’une manière générale on est de plus en plus confronté à l’émotion devant les faits divers et l’assassinat dans des conditions plus ou moins horribles de quelques personnes voire d’une personne. Cette émotion s’apparente en fait à une réaction de peur. Cette peur est ressentie devant la marginalisation du destin de quelques individus dont la disparition n’obéit pas aux normes de notre société.
En effet, la société dans laquelle l’individu évolue se charge non seulement de le nourrir, de l’héberger, de le faire consommer mais adopte des rites bien précis pour le faire disparaître. Ainsi on ne peut mourir que de maladies dans l’enceinte d’un hôpital ou à l’intérieur d’une voiture mais surtout dans le cadre d’évènements normatifs prévus par une certaine forme de règles sociales : la maladie, les accidents… les décès imprévus dus à des attentats ou à des meurtres, évènements donc non planifiés aboutissent donc à destin véritablement hors norme qui consacre alors la marginalisation de l’individu concerné. Il n’entre dans aucune des cases d’un destin programmé par la société et devient dons un exclu même après sa mort. On peut le comparer ainsi au triste destin des âmes des guerriers non enterrés chez les Grecs qui errent sans fin en enfer.
La visualisation de cette rupture entraîne un traumatisme psychique et donc une peur secondaire de tout individu inséré. Cette peur secondaire correspond en fait à la peur de se retrouver dans le même destin que les victimes aperçues par exemple aux informations télévisées et de devenir un exclu. On s’assimile ainsi d’autant plus facilement à la victime que le nombre de ces victimes est peu nombreux et il sera alors d’autant plus facile à se projeter inconsciemment et de s’identifier à l’un d’elles. En particulier si on s’y apparente physiquement ou intellectuellement.
Cette peur peut être sublimée par un sentiment de révolte face à cette adversité et cet assassinat, révolte qui se concrétise par la participation à des manifestations populaires. Cette peur se transforme alors en une négation, en un refus de l’évènement voire une négation de cette situation. On remarquera ainsi que l’individu perd toute indépendance et sens critique se diluant dans une émotion stérile qui ne permet ni de connaître la cause de l’évènement meurtrier ni d’adopter une conduite à tenir pratique pour éviter sa répétition ou son aggravation.
Cette indemnisation à la victime ne peut se faire que lorsqu’il y a proximité géographique ou ethnique. L’éloignement géographique ou racial permet une certaine distanciation. Peuvent témoigner les victimes du génocide des Khmers rouges ou du Rwanda qui finalement n’a que peu intéressé la population occidentale et en particulier la population française. On remarquera que la structure du raisonnement social permet d’éluder les victimes de violence de masse même au sein d’un pays comme la France. Ceci est illustré par la problématique des victimes d’accidents de la route qui se montent à plusieurs milliers par ana et dont le sort crée beaucoup moins d’émotion que celui de quelques personnes assassinées.
En effet, la société crée alors un raisonnement centrée sur l’inévitabilité de cet évènement mortel bref, le destin fatal au sens latin du mot fatum, c’est-à-dire un destin devant lequel on ne peut que s’incliner, devant lequel nous ne sommes que des êtres infiniment petits. Ce destin inévitable est d’autant plus considéré comme routinier qu’il n’attire pas l’attention des médias à l’inverse des meurtres.
On peut considérer effectivement que le phénomène d’exclusion sociale des victimes de tels meurtres aboutit certes à une peur mais également à un repli de l’individu au sein de la société qui est censée le protéger. Après donc une période initiale de stress, d’effarement et de paralysie, l’individu réclame la protection de la société, plus concrètement, de la force de l’ordre et se moule dans un anonymat soumis.
On peut même considérer qu’il s’agit d’une peur inconsciente qui ne cherche qu’à s’exprimer et à resurgir à la faveur de ces évènements violents, comme il a déjà été dit. L’individu au sein de cette société infantilisante ressent inévitablement inconsciemment un certain malaise devant son absence d’autonomie, malaise qui s’exprime par cette peur devant des évènements violents imprévus dans le canevas social. La société profite même de ce évènement violent pour le diffuser via les médias officiels (télévision, radios, internet…) pour confronter l’individu à ce qu’il ressent de plus traumatisant à savoir l’échec de ce cocon social dans lequel il est censé évoluer.
La société profite alors de cet échec même, non pour l’assumer, mais au contraire pour enfoncer encore plus l’individu dans un état de dépendance via cette peur qu’il ressent et qui ne peut être occultée que par la protection que lui propose ce monde extérieur.
Une autre réflexion est celle basée sur l’attrait de l’individu pour le film de l’assaut contre les terroristes. En effet, même si tout à chacun n’est pas forcément fasciné par la violence il est frappé par l’attrait inconscient de l’extrême majorité des gens pour visionner ces vidéos sur ordinateur ou à la télévision.
Il s’agit en fait d’une fascination pour l’interdit. On navigue à la limite de cet interdit qui est le meurtre.
Bien sûr le meurtre est interdit et sanctionné mais il est toléré de le visionner quand il est légal, assuré par les forces de l’ordre. Il s’agit alors d’un meurtre légal. Cette fascination malsaine est causée par une identification aux forces de l’ordre comme dans les émissions de téléréalité où on s’identifie aux acteurs. Il s’y associe une sensation de puissance puisqu’on visionne les scènes avec une pseudo impression de domination, puisque bien sûr, on ne peut pas intervenir.
Il s’y ajoute ce plaisir du voyeurisme qui est alors autorisé, le voyeurisme d’une mise à mort.
Cette situation n’est pas récente puisque la population a toujours été fascinée par les exécutions publiques lors des exécutions publiques à la guillotine, lors des exécutions après tortures sur place de Grèves au moyen âge lors des combats de gladiateurs, ou lors des corridas.
On peut également mener une réflexion sur l’origine de ces actes terroristes. On peut l’expliquer par le fait que notre société vise à rendre les gens passifs en leur proposant une formation, un travail, une rémunération et en les incitant à consommer. La population et en particulier les jeunes, estime donc avoir droit à une formation, un emploi et au droit de consommer. Or, la crise « aidant » le système n’est plus capable de fournir le plein emploi et l’individu devient aigri face à la société à laquelle il reproche son absence d’efficacité.
Il reproche une insuffisance de moyens mais aussi une insuffisance d’idéal puisque ses moyens sont conditionnés par une théorie qui ne devient plus efficace. L’individu marginal, en situation d’échec d’obtention d’une gratification sociale, devient alors un parasite agressant, volant, effectuant divers trafics dont celui de stupéfiants. Fatalement, il se retrouvera un jour ou l’autre emprisonné ce qui aboutira à sa prise de conscience de l’échec de cette situation de parasitisme. Il se retrouve alors dans une situation d’exclusion et adopte des réactions marginales telles que celle de l’adoption d’un nouveau modèle social dont l’islamisme intégriste.
Auparavant, face à l’échec d’une gratification sociale, l’individu pouvait contester d’une façon légale en votant pour le parti communiste ou l’extrême gauche mais il réalise leur échec qui est propagé par les médias en particulier télévisés et donc s’en détourne.
Le débat sur les choix alternatifs de notre société se basait récemment jusque dans les années 90 sur des bases rationnelles ou du moins cohérentes. Les différentes théories se développaient, soit à partir de bases vérifiées puis d’un raisonnement cohérent, soit à partir de bases fausses telles que par exemple un idéal sans classe comme dans le communisme puis ensuite développé sur des bases cohérentes. Ainsi une société sans classe possédait des ennemis, les ennemis de classe qui devaient être éliminés et donc exterminés. Mais même lorsque cette théorie est fausse, un alibi rationnel était proposé. On arrive actuellement devant des choix de société très limités puisque auparavant on avait le choix par exemple entre la droite, la gauche, l’extrême gauche ainsi que les écologistes. Les écologistes actuellement se sont déconsidérés par leur rattachement au pouvoir et à ses privilèges. Le parti communiste, la gauche et l’extrême gauche ont perdu toute crédibilité du fait de la fin de la guerre froide. La droite et la gauche pour une grande partie de la population ont également perdu tout intérêt du fait des affaires politico-financières. L’extrême droite, de notoriété publique n’a pas de projet économique viable et se repaît de la peur de l’autre à savoir l’étranger non européen. Une certain partie de la population n’a donc pas le choix ou plutôt n’a plus aucun choix alternatif rationnel. On passe alors du rationnel à l’irrationnel voire à la déraison en basculant dans le terrorisme et l’intégrisme religieux.
Vincent
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